mardi 4 mai 2021

Une fleur à midi

 


Le village où l’horloge est une fleur

 

C’est un livre retrouvé, offert voici quelques années par une amie, indianiste distinguée qui en avait assuré la traduction. Un livre revenu à la surface de l’océan de bouquins qui m’entoure. L’auteur, un poète indien, Kedarnath Singh, est né dans les années trente dans un petit village de l’Uttar Pradesh.

 

Et dans son village une école, semblable certainement à celles que nous connaissons là-bas – un toit, quelques murs, une longue galerie en plein air et des enfants parfois assis par terre, leurs genoux pour pupitres. Dans cette école, pas d’horloge pour sonner midi, l’heure de la fin des classes. Non pas d’horloge, seulement une magnifique fleur rouge incandescent, la dupahariya, qui s’ouvre à midi, ouvrant en même temps les portes de l’école et faisant naître de surcroit, un poète de plus sur la terre des hommes.

Naissance précieuse entre toutes, et dans ces temps moroses, je les nommerai volontiers, “ biens essentiels “ à l’âme et au cœur.

 

Ce livre que je lis et relis en ce moment, “ Dans un pays tout plein d’histoire…“ contient un long poème sur “ Bâgh “, le tigre. En Inde les tigres après avoir servi trop longtemps aux tableaux de chasse des maharadjas et des occupants anglais, sont protégés, choyés. Ils ont été et demeurent encore des êtres mythiques, admirés et craint des humains qui empiètent trop souvent sur leurs territoires traditionnels.

 

Mais chez un poète le tigre est plus encore. C’est une présence furtive et pourtant bien visible, qui parle aux oiseaux, aux paysans, à Bouddha, porteur d’une redoutable innocence, d’une incomparable justesse.

 

Je ne sais pas ce qu’il en sera de vous, mais moi je sais que sur ses pattes de silence, si je l’appelle doucement, il vient à ma rencontre, plonger ses yeux dorés dans les miens. Vous ne saurez pas ce qu’il me dit. Essayez, vous verrez bien…Pour chacun de nous le regard du tigre est un secret.

 

 

 

 

 

 

dimanche 2 mai 2021

Une histoire de tigre

 

                         Tiruvanamalai -Inde-photo fabian da costa


Dans ce pays immense

Dans le poudreux septentrion

Il est un lieu en ruines

Quelque cité antique

Où dans les temps anciens

De sa splendeur passée

Venait parfois Bouddha

Venait parfois aussi le tigre

 

Ils y venaient par des chemins distincts

Si l’homme arrivait par l’Est

Le tigre lui alors

Arrivait tantôt par l’Ouest

Tantôt de quelque direction sans nom

Dont personne n’avait jamais eu connaissance

 

Mais parfois tous les deux

Se trouvaient face à face

Et le tigre levait les yeux

Regardait le Bouddha

Et le Bouddha baissait la tête

Et passait son chemin

 

Ainsi allait la vie

La vie glorieuse de la petite ville

Dans l’ombre double

De la compassion de Bouddha

Et du terrible tigre

Deux ombres qui se croisaient

…………………………………..

Et c’est ainsi qu’entre eux

Se créa cet étrange lien

Insatiable faim d’un côté

De l’autre infinie compassion

Et entre l’une et l’autre

Il n’était aucun pont

 

Mais parfois dans la nuit

Quand sur les cimes de l’Himalaya

Tombait la neige

Que dans la ville soufflait la bise

Les résidents alors songeaient

Cette rafale aura transi Bouddha

Et cette même rafale

Merveille des merveilles

Aura aussi fait frissonner le tigre !

 

Kedarnath Singh “ Dans un pays tout plein d’histoires…“ Ed. Caractères

Eurydice...

                                   photo fabian da costa   Eurydice, Eurydice, je pense à toi ce soir. Il fait froid, il fait noir, et je t’...