lundi 31 janvier 2011

Avant




photo © fabian da costa
Avant...

C'était bien mieux : les enfants étaient respectueux de leurs parents et de leurs professeurs. 

Avant… l'école enseignait l'orthographe, le calcul et la discipline.

Avant…les gens lisaient au lieu de regarder leurs écrans.

Avant…il y avait le service militaire pour les garçons et la maternité non choisie pour les filles.


Avant…les fidèles avaient peur de l'enfer et méritaient leur paradis.

Avant…les gens étaient plus gentils, plus sociables, plus travailleurs.

Avant maintenant… j'avais vingt ans et je n'en pouvais plus d'entendre les vieux schnoks  dont j'ai l'âge aujourd'hui, m'expliquer combien c'était mieux…avant.

 

dimanche 30 janvier 2011

La Trame des Jours 4

photo © fabian da costa


                       Le jour où enfin ils décidèrent de s'en défaire, il fallut appeler le voisin - tant il était lourd, pesant, quasi inbougeable - le vieux fourneau de la grand-mère. Sa vieille fonte rayait le carrelage, et il avait réussi à écraser quelques doigts avant de se laisser traîner derrière la maison.


                  Qui veut encore prendre le temps d'allumer son feu tous les matins, de se battre avec le bois humide qui fume, de vider les cendres, de rentrer les bûches, et de balayer dix fois par jour un sol toujours sali ?

                  Finalement, peut-être chacun a-t'il ce qu'il mérite, sinon ce qu'il désire. Le fourneau rouillé sous la pluie, s'est vu confié les semis et les boutures, les bégonias fragiles qui aiment le soleil couchant. Eux, ils se sont réjouis devant les nouveaux radiateurs si propres, si pratiques.

                  Bien sûr, plus jamais il n'y eut des fins d'après-midi frileuses, où l'on pouvait se rôtir les pieds, en regardant la tasse de chocolat mijoter doucement sur le feu, ni l'odeur de pain d'épice et de cannelle du chêne qui brûle à courtes flammes - et plus jamais non plus le chien ne s'est couché devant le feu, soupirant d'aise le museau dans les cendres. On ne peut pas tout avoir.




 

vendredi 28 janvier 2011

Mon Ego



photo © fabian da costa


    Il y a des jours où ce que l'on croyait avoir acquis vous lâche, où ce qu'on pensait gagné se perd. Pour un temps en tous cas, on se retrouve si bêtement en face de sa petitesse, de sa mesquinerie, de son très cher ego que l'on avait imaginé en train de se réduire.

    Non, il est toujours là frétillant et moqueur, et il vous prend et la tête et le cœur. Bon, tant pis, c'est ainsi et certainement profitable…..enfin, il faut un peu de temps pour s'en persuader.

    Et après avoir bien constaté à quel point on est encore nul, empêtré, triste et fatigué, il n'y a plus qu'à ramasser les morceaux épars et à rembarquer tout ça dans le petit bateau, et à ramer encore et encore….

    Je suis sûre que si j'arrivais à ne plus le regarder, à ne plus lui parler, il finirait par être lui aussi triste et fatigué, mon ego, et qu'enfin dégoûté, il s'en irait - loin…

    Je vais essayer.
 



mercredi 26 janvier 2011

La Trame des Jours 3


photo©fabian da costa



                  Invisibles tranches du temps, petits carrés de mosaïque au plafond de nos vie. Un petit cube de verre bleu pour les matins de soleil, un cube de verre feu pour  les soirs d'été... Irisation de nos ciels.

                  Aller d'un bout à l'autre du jour. Depuis le ciel du matin, dans les carreaux de la fenêtre, jusqu'au seuil de mon sommeil.

                  Je voudrais, une fin de journée, m'asseoir dans le silence de la maison et laisser glisser les heures sur mes mains immobiles. Je voudrais voir la lumière couler sur les murs et les vitres, l'ombre s'allonger comme un chien fatigué sur le carrelage frais ; je voudrais entendre le temps marcher, passer. Je voudrais me défaire de l'habitude du faire, et attendre la nuit.

                  La première gloire de l'enfance s'éteint quand s'accélère la sensation du temps qui passe. Viennent alors en rangs serrés, les devoir, les falloir, les exigeantes urgences. Le velouté de l'enfant se râpe et se durcit au frottement de la vie. Le cal nous vient au coeur, et s'oublie alors le bonheur de regarder les heures et les jours avec des yeux tranquilles.

                 

mardi 25 janvier 2011

Notre caravane n'est pas celle du désespoir

photo©fabian da costa
 
" Venez, venez, qui que vous soyez,
vagabonds, disciples, chercheurs passionnés, peu importe...
Notre caravane n'est pas celle du désespoir,
Venez même si vous avez mille fois rompu vos vœux,
Venez, venez, revenez encore".
Rumi


       J'ai beau avoir affirmé voici quelques messages en arrière, que je me refusais à prendre cette année la moindre bonne résolution, je demeure attentive malgré tout au questionnement du chemin fait, de celui qui est encore à faire. Peut-être s'agit-il là d'un reste de cette fameuse éducation judéo-chrétienne dont je ne suis pas encore totalement débarrassée.

      C'est pourquoi, découvrant ce texte pourtant bien connu, je l'ai recueilli avec l'envie de le partager. Car il m'a parlé au cœur, profondément, du nécessaire courage de recommencer là où on croit avoir échoué, de se remettre en route au milieu de cette longue caravane qui n'a ni fin ni début. Juste pour marcher avec tous les autres, en essayant de me souvenir que ce n'est pas moi qui fait le chemin….mais c'est encore une autre histoire.

samedi 22 janvier 2011

La Trame des Jours 2

photo © fabian da costa


         Dans les bras de ce vallon, deux maisons à un jet de pierre l'une de l'autre. Deux maisons vides, volets clos, refermés sur les souvenirs des derniers habitants. Il n'y a pas tant d'années que cela, Emile vivait dans la première, Léopold et Aimé dans l'autre - trois vieux garçons.
         Il n'est rien de plus facile que de rester ainsi à la campagne. Depuis bien longtemps, les filles ne veulent plus marier un paysan.
         Elles sont toutes là, à rêver de la ville ou du bourg - des magasins - des rues propres et larges - de l'eau sur l'évier et des lumières qui font chaud au coeur. Elles veulent un homme qui ne sente pas l'écurie ou le feu de bois, et qui ramène une vraie paye à la maison.

         Un jour de grosse pluie, alors qu'il descendait voisiner à la ferme la plus proche, un sac à pommes de terre retourné en bonnette sur le crâne, Léopold avait bien tenté de proposer mariage à sa voisine. Cette rosière montée en graine allait aussi en visite, car la pluie est une bonne excuse pour le plaisir du bavardage. Elle l'avait toisé ; du haut de la pointe de son sac à patates jusqu'aux bouts de ses galoches sales, avant de lui dire lentement : " Tu vois Léopold, il pourra pleuvoir, neiger ou faire soleil, ce n'est pas demain que j'irai m'accrocher sur ta roche. "

         Et Léopold avait vieilli avec ses compagnons. Seuls tous les trois dans leurs maisons de pierres vives accrochées au rocher qui partout affleure sur cette terre de pauvres. Seuls, mais pas forcément très malheureux - seuls, mais en si parfaite union avec cette vie-là, que leur solitude devenait habitude et non plus déchirure.

         Ils sont morts, tous les trois. Doucement, ils se sont éteints comme les feux auprès desquels ils veillaient.

         Je suis entrée dans la maison d'Emile. Le vieux poêle bas sur pattes est au milieu de la cuisine - sur le plancher noirci, les pieds d'Aimé ont patiné le bois. A cette place-là, assis devant son feu, il regardait passer le fil du temps qui s'attardait ici plus longuement qu'en bas, à la ville.
         Dans la maison de Léopold, le vieux balai de buis veille seul contre la porte. Ce balai qu'aucune main de femme n'a voulu prendre.
         La vie n'est pas enfuie, seulement endormie. Il faudrait si peu, pour qu'à nouveau il y ait des voix qui résonnent dans la combe : un pas sur le chemin, des mains amicales qui ouvrent les volets...

         Ouvrir les volets d'une maison longtemps fermée, c'est éveiller l'âme des choses - c'est remettre en route la muette horloge du temps.

 

mercredi 19 janvier 2011

La Trame des Jours 1


photo © fabian da costa
       
       Dans leurs bras de pierres, elles nous ont tous tenus, bercés endormis. Tous, si nous fermons les yeux, nous pouvons retrouver le chemin de la maison de notre enfance. Belle ou laide, vaste ou incommode, c'est celle-là qui nous a vu grandir et pas une autre.

      Je revois mon fils quitter un logement humide, sans charme et sans soleil, embrasser les murs de sa chambre, et partir déchiré vers une maison claire, cernée de champs et de forêts. Le coeur est aveugle. Seuls sont vrais les souvenirs de l'amour.

      Mais il ne suffit pas de poser ses meubles et ses valises dans une nouvelle maison pour être immédiatement chez-soi. J'en ai connu des hautaines qui ne se laissaient conquérir par personne, des sournoises où  les pieds manquent les marches, les épaules heurtent les chambranles, et où  l'on vit méfiant et resserré, sur une prudente défensive. Il y a la bâtisse stupide qui ne comprend rien à ce que vous lui demandez. Les murs refusent les clous, les planchers sont pourris, le carrelage poreux. Même vos meubles vous paraissent sots et ne trouvent pas leur place. Ces maisons là ne sont pas vraiment méchantes et l'on finit par s'y faire tant bien que mal une place, à coups de pieds et à coups de gueule.

      La nôtre, notre dernière maison, j'ai tout de suite eu envie de la qualifier de débonnaire. Débonnaire, avec un touche de légère ironie, devant ces gens de la ville éblouis par un carré d'herbe.
                 
      Nous  avons emménagé dans une radieuse fin de juin, pour nous retrouver à l'automne sous de mémorables tempêtes d'équinoxe. Le mince ruisseau qui coule au fond du vallon est devenu un torrent furieux qui a coupé et défoncé notre chemin. Les chenaux saturés d'eau et obstrués par les feuilles que nous n'avions pas songé a ôter ont subitement débordé jusque sous l'auvent . Nous avons acheté en toute hâte, des cirés, des bottes, une grosse pioche et une grande pelle, et nous avons connu les joies de creuser des tranchées à minuit, sous le déluge. Notre région fit à ce moment là les grands titres des journaux et nous nous sentions presque des héros. L'aventure était à notre porte.

     La maison nous a adopté ces jours-là je crois, attendrie par tant de maladresse et de bonne volonté.

mercredi 12 janvier 2011

le jour où j'ai rencontré Dieu





photo © fabian da costa
 
    J'ai rencontré Dieu. J'ai toujours dit que je le cherchais, et le jour où je l'ai vu je ne l'ai pas reconnu. C'était à Delhi, dans le quartier populaire où nous logions, dans la nuit qui tombe ici à 6 heures du soir. C'était le mendiant affamé qui mangeait accroupi dans le caniveau un reste innommable sur du papier journal.     
   Nos regards se sont croisés, je ne me suis pas arrêtée et je ne me le pardonne pas.  Comme un cil dans l'œil qui fait pleurer et que je n'arrive pas à ôter, il est toujours là sous mes paupières.
    Je ne me suis pas arrêtée, bien trop occupée à préserver le bas de mon pantalon de la boue qui envahissait le trottoir, bien trop préoccupée de courir vers un magasin qui allait fermer, bien trop inquiète de perdre dans la foule celui qui marchait devant. Peu importe la raison, je ne me suis pas arrêtée, voilà tout. J'avais sur moi plus de roupies qu'il n'en verra jamais de toute sa chienne de vie – je ne me suis pas arrêtée. Il ne demandait rien, il ne voulait rien, il regardait dans les yeux cette femme pressée – juste surpris de trouver un regard plonger dans le sien.
    Je ne me suis pas arrêtée, je ne me le pardonne toujours pas, mais je sais que je suis devenue disciple d'un maître en guenilles, là-bas, dans les rues de Delhi.

Les bonnes résolutions...



photo © fabian da costa


   Voilà, c'est décidé, je n'en prendrai pas cette année. Depuis douze jours, je me pose la question. Bonnes résolutions ou pas ? La réponse est non, définitivement non.
    Inutiles, voire même nuisibles sont-elles pour moi. Parce que bien entendu je n'arrive pas à les tenir, et que je me culpabilise affreusement...
     Donc, cette année 2011, je le jure, ma seule résolution est de ne pas en avoir. Je n'essaierai pas de ne plus manger de chocolat, de ne plus regarder la télé, de ne pas m'énerver, de ranger régulièrement mon bureau, de faire du yoga trois fois par semaine, chez-moi toute seule comme une grande, et plein de belles choses encore, promises au fil des années passées et misérablement retombées au fond de ma paresse.
    Ouf ! Quel soulagement ! Je vais juste essayer de faire de mon mieux....ce n'est déjà pas si mal.


dimanche 9 janvier 2011

Je suis femme dit-elle









Je voudrais parler des yeux des femmes, pas seulement de ceux des jeunes femmes, mais aussi de leurs yeux que les années ont fanés - du maquillage de ces yeux et de ce qui se joue là, devant un miroir.

Les femmes qui s’adonnent à de mystère savent plus ou moins secrètement qu’elles participent d’une chose bien plus vaste que le seul et apparemment futile jeu de la séduction.


Je ne sais pas encore ce que de moi et des femmes lointaines auxquelles je pense, je fais naître et venir au jour. Je souligne de khôl le contour d’une paupière, j’étends de l’ombre et de la lumière – et je vois dans le miroir apparaître plus que moi, bien au-delà – et j’écoute ce que ce regard veut m’enseigner.

         
 Mais ce dont je me doute pourtant, c'est que je ne cherche pas seulement mon regard dans ce miroir. J'attends d'y trouver d'autres regards - ceux des femmes des anciennes générations, de toutes celles qui me resteront inconnues et dont le sang est le mien. Je sais que je vous convoque ici et que j'attends de vous voir paraître à travers le tain de cette glace, à travers mes yeux que j'interroge.

samedi 1 janvier 2011

Une belle et douce année

sur la route de Bombay à Trimbakeshwar - photo © fabian da costa
   

   A tous, amis connus ou inconnus qui visiterez cette page en ce début d'année, je souhaite  que nous puissions trouver, chacun au coeur de notre vie, où aller puiser l'eau vive de l'amour et de l'espérance, pour ensuite la partager.
   Belle et  douce année 2011

Eurydice...

                                   photo fabian da costa   Eurydice, Eurydice, je pense à toi ce soir. Il fait froid, il fait noir, et je t’...