vendredi 8 juillet 2011

La Voix des Tambours

 photo ©  fabian da costa


        Un soirée à Cochin, venue comme toujours à pas doux et soyeux, une soirée de fête indienne dans les jardins qui bordent le port. La foule évidemment, et sur l'estrade des tambours. J'ai toujours aimé les tambours, d'un amour mêlé de crainte, car je savais qu'ils frappaient à cet endroit de moi où je n'osais aller.
 
Et voilà que ce soir-là, dans la chaleur, le bruit et les moustiques, la voix du père s'est élevée.
Pour la première fois, j'ai eu la sensation de pouvoir poser ma main doucement sur la peau du monde et  d'entendre battre un cœur, résonance de tous les cœurs.
Comme si j'avais pu la glisser sous les couches de millénaires accumulées, à travers l'épaisseur du vêtement humain, et toucher enfin ce que j'aurais toujours cherché sans le savoir.

J'ai tellement de chance, moi qui n'ai pas d'identité et pas d'ancêtres, moi qui n'ai  pas d'histoire ni d'arbre généalogique. J'ai tellement de chance de ne pas pouvoir aller dans des cimetières me recueillir sur les tombes de ma famille, tellement de chance de ne pas avoir de vieilles photos à regarder, pas de noms et de prénoms à me souvenir. Je n'ai aucune ressemblance à rechercher, je ne sais pas de qui sont mes yeux ou ma bouche. Oui la chance infinie, la grâce même, de n'appartenir à rien ni à personne et d'être libre de choisir, d'accueillir.

Je crois qu'aujourd'hui enfin je vais pouvoir vous reconnaître, vous qui ne m'avez pas reconnu. Que je vais m'incliner devant vous, mon père, m'incliner devant ce qui en moi vous appartient, ce dont je vous suis redevable. Je ne sais même pas si vous avez atteint l'âge que j'ai à ce jour où je peux me présenter devant votre image, sans colère ni peur, pour vous dire - mon père, je vous salue - allez paisible, là où votre destin vous a permis d'aller. La force, l'élan, que vous ne m'avez pas donnés, je les ai reçus ce soir-là, en Inde, par la voix puissante des tambours.


 

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Eurydice...

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