" Elle n'est pas allée
à l'école "…je ne suis pas allée à l'école, enfin presque pas. Juste le
temps de me rendre compte que je n'étais pas armée pour la lutte humaine qui
commence au jardin d'enfants, et se termine, mais alors là pour tout le monde,
dans la dernière boite où nous serons rangés, calmes et sages.
Je ne suis pas allée à l'école, c'est vrai – j'étais malade, dans mon corps et encore plus dans mon âme. Ce matin j'écoutais Catherine Millet parler de son dernier livre, " Une enfance de rêve " . Et pour d'autres raisons que les siennes, j'aurais pu parler de mon enfance comme elle, quand la pudeur veut que l'on remplace un mot trop douloureux par un autre, son contraire, son opposé.
Je ne suis pas allée à
l'école et j'ai regardé, plus triste qu'il n'est souhaitable à un enfant de
l'être, ceux qui passaient en bandes bruyantes, le cartable à la main, sur le
dos. Moi je travaillais par correspondance, quand je le pouvais, quand ce
n'était pas trop compliqué.
Je ne suis pas allée à
l'école et ce fut une immense chance. J'ai rêvé autant que je le désirais, j'ai
lu tout ce qui me tombait sous la main et de préférence ce que normalement je
n'aurais pas dû lire. Calée dans un vieux fauteuil devant la bibliothèque, j'ai
trouvé, certainement achetés au mètre et pour leurs superbes reliures rouges : tout
Lamartine, tout Châteaubriand, tout Edmond Rostand – et oui, même lui – les
œuvres complètes de Racine et de Corneille, le cher Victor Hugo.
Je ne suis pas allée à
l'école, je n'y pas appris les codes et les us et coutumes, je n'y ai pas non
plus découvert les modes d'emplois de la vie en communauté, les bienfaits ou les
méfaits de la collectivité, la joie ou l'horreur de faire partie d'un troupeau
quelconque. Je suis plutôt solitaire, les groupements humains me font assez
peur, il m'arrive de faire des fautes d'orthographe et les maths me sont
toujours " terra incognita ".
Il faut me pardonner, je ne suis pas
allée à l'école.
Bonheur d'être restée soi-même.. Douleur assumée, vision claire, être allé à l'essentiel tôt dans sa vie est une chance. Bienheureux témoignage. Merci. Sylvie
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