mardi 25 août 2015

La Vraie Vision II...Rabindranath Tagore

Le Mont Olympe - Grèce 2004 - photo fabian da costa ©


...Peu après, cependant, il me fut donné une perception plus profonde qui demeura mienne toute la vie.
 On voyait de notre maison l'extrémité de la rue et les arbres du parc de l'Ecole Libre. Un matin, debout sous la véranda, je regardais de ce côté quand le soleil se leva sur les couronnes feuillées des arbres. Comme je continuais à le contempler, un voile sembla tomber de mes yeux. J'aperçus le monde baigné dans une splendeur incomparable, des flots de beauté et de joie se soulevant de toutes parts. Cette vision traversa en un instant les replis de tristesse et de découragement qui avaient enveloppé mon coeur et l'inonda d'une lumière universelle.
Ce même jour, un poème, " Le Réveil de la cascade ", surgit en moi et s'élança d'un seul jet, comme une cascade véritable. Le poème terminé, le voile ne retomba pas sur l'aspect bienheureux de l'univers. Aucune personne, aucune chose ne semblait plus triviale ni déplaisante.

Rabindranath Tagore. " Souvenirs ". Connaissance de l'Orient. Ed Gallimard 1981

De cet évènement, de cet avènement, Tagore dira lui-même qu'il le changea à tout jamais, lui et son expression poétique. Son coeur touché au plus intime par le feu de cette grâce se fondit en un jaillissement d'amour et de beauté, pareil à cette cascade prise dans les glaces de l'hiver et que la chaleur du soleil réveille à la vie.

Je ne me permets pas de traduire de l'anglais ce magnifique poème, déjà traduit du Bengali. Je préfère en donner cette version.

" After many days has one ray
Appeared in the cave,
Upon the dark waters of my heart
Has fallen a single trace of light.
I cannot contain my heart's ardour
The water trembles, it trembles,
it talks and sings a complicattes tune.
Today in this morning I don't know why
My heart has awakened."

Tagore a vécu là, ce que tout créateur souhaite connaître au moins une fois dans sa vie, si ce ne peut être plus souvent...une flamme venue de bien plus loin que de sa propre volonté, qui consume l'inutile, le superficiel, l'anecdotique, pour libérer l'eau fraîche et jaillissante de la vraie vie.




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