vendredi 20 octobre 2017

Athos, la Montagne Sacrée

Contemplation du Mont Athos depuis les balcons du monastère de Simonos Petra


Comment parler du Mont Athos, surtout si l'on est une femme, sans entendre l'éternelle revendication féminine :
 " Et pourquoi les femmes n'ont-elles pas le droit d'y aller ? " Dieu sait, et c'est bien le lieu pour le dire, que je suis féministe - et pourtant, pourtant...


 Aux portes du jardin de la Mère de Dieu

Ouranopolis, trois rues parallèles : L’une au milieu du village, l’autre en bord de mer, la troisième un peu à l’écart. La première, bordée de magasins d’icônes et d’objets religieux, de bijouterie, de souvenirs…la deuxième, celle des restaurants - la troisième, la plus tranquille, abrite une boulangerie, une épicerie, quelques vraies maisons, j’entends par là des lieux où habitent de vrais gens.

La plage appartient aux chats, à leurs amours et à leurs bagarres, quand ils ne sont pas aux aguets sous les tables des convives.

Et malgré tout, en dessous ou en dessus des oripaux des commerces, des restaurants, des vagues de touristes sortant des cars pour y revenir une heure après, Ouranopolis “ la cité du ciel “, demeure toujours la dernière terre habitée avant ce territoire invisible et pourtant si présent, la Sainte Montagne. Le vrai charisme du village vient de cet ailleurs, de ce lointain qu’on ne peut voir, de cette montagne, pôle invisible qui aimante les pensées, les énergies.

Et puis la jetée, embarcadère des départs vers l’Athos et des quelques bateaux qui vont jusqu’aux  îles alentour. La jetée comme une passerelle sur laquelle vont et viennent les pèlerins, au milieu des voitures, des camions, des chargements de bois, de ciment, de vivres.

Des hommes, toujours et seulement. Des moines, beaucoup de moines, quelques anciens accompagnés d’un jeune novice qui porte leurs bagages, les pèlerins qui reviennent et ceux qui embarquent. Et parfois, deux ou trois femmes, les yeux fixés sur le bateau qui tire droit vers le large, puisque depuis des siècles aucune d’entre elles n’a posé le pied sur la terre athonite.

Il serait dommage de se lever “ vent debout “ contre cet “ Interdit “. Il serait navrant que les femmes, ne se souviennent pas de leur dignité. Il serait désolant qu’elles oublient, que si certains cultivent à leurs égards des pensées humiliantes, elles peuvent les leur abandonner, car seule la pensée des femmes sur elles-mêmes, compte.

“ l’Athos ne dit pas non aux femmes , il dit oui à l’inviolable. “ [1] Il dit oui à l’accueil d’un mystère que l’on peut refuser, mais qui a beaucoup à dire si on veut bien l’écouter. Il apprend qu’il est possible de contempler une fleur et de ne pas la cueillir, que certains territoires peuvent se connaître justement, par l’absence et le silence.

Ne plus se croire le droit de tout voir, de tout savoir, parce que cela existe, et bien davantage encore, parce que c’est impossible - plus profondément aussi, respecter la virginité en l’autre et en soi, pour que vienne au monde le Tout Autre, tellement plus important.

Oui, ne pas entrer, mais contempler une toute jeune fille qui se promène dans ce jardin. Elle est celle que Dieu a choisi - une vierge innocente - ce qu’il y avait de plus fragile, de plus fort, de plus précieux en Israël,  pour mettre au monde son Fils, le Fils de l’Homme.

Et voici qu’elle est Reine en ce Jardin. Elle l’a - dit la tradition - demandé comme un cadeau à son fils, et un fils, surtout là-bas, ne refuse rien à sa mère.

Être assise aux portes du Jardin de la Mère de Dieu n’est pas une humiliation, une frustration. C’est la grâce particulière de découvrir en son propre coeur les chemins  qui conduisent vers le Grand Mystère, et ils ne sont pas si différents de ceux que foulent les pieds des pèlerins, sur la Sainte Montagne.

Anne da Costa 

" Le mont Athos, une expérience spirituelle " Ed. Dervy






[1] Bertrand Vergely

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