Evidemment c'était gonflé, évidemment je n'étais pas préparée. J'avais dit : bon, Thésée l'a fait, donc il n'y a aucune raison que je ne le fasse pas aussi. Oui bien sûr, Thésée était protégé par Athéna et il a proprement exécuté la grosse bête. Moi, pour me protéger je n'avais que mon toupet et mon inconscience – c'était bien suffisant.
J'ai pris une torche, indispensable pour éclairer le chemin, et je suis entrée dans le labyrinthe. C'est très compliqué un labyrinthe et pas pratique du tout. C'est en vérité plus tordu que le cerveau d'un financier, plus menteur qu'une promesse électorale.
Oui, j'ai longuement erré, comme on peut le faire dans une banlieue parisienne à la recherche d'une improbable adresse, car il n'y avait pas encore de GPS prévu pour les labyrinthes à cette époque. J'ai tourné et retourné et ce faisant j'ai croisé tout au long des couloirs de bien étranges choses. Des petits bouts de ma vie, pas spécialement ceux dont j'aurais aimé me souvenir, des visages et quelques-uns que j'aurais préféré oublier, j'ai entendu des paroles que j'aurais mieux fait de retenir. La torche commençait à fumer et moi à m'énerver quand j'ai vu enfin une lumière, tout au fond.
Il était là, dans une vaste salle ronde, lumineuse, presque rassurante. Il était là tranquille et il me regardait bien en face. Aussi impressionnant que ce à quoi l'on peut s'attendre d'un pareil animal. Alors sans même le vouloir vraiment, je me suis approchée et je l'ai embrassé, là, entre les deux yeux, juste sous les cornes, là où j'ai toujours embrassé mes chats et mes chiens, parce que c'est si doux.
Ce qui c'est passé alors n'est pas racontable, désolée…mais je peux juste dire qu'entre lui et moi, je ne sais pas qui embrassait l'autre. Voilà, je ne suis pas prête d'oublier le jour où j'ai embrassé le Minotaure.