Je n'ai pas de mon enfance un souvenir merveilleux. Plutôt celui d'une période difficile et parfois douloureuse. Et pourtant comme l'a si bellement écrit Christiane Singer, " On peut tous décider d'avoir eu une enfance heureuse. "
Et c'est vrai, hormis pour les enfants victimes des horreurs physiques ou psychologiques que les adultes sont capables de leur infliger, l'enfance reste un pays traversé par des ruisseaux de bonheur, des prairies enchantées, des forêts habitées par des animaux qui parlent le langage des hommes, des arcs-en-ciel aux couleurs de bonbons.
L'enfance est peuplée de jouets, ce que l'on a, ceux que l'on voudrait avoir, ceux dont on se souvient ensuite, au fil des années qui s'écoulent. Et ceux-là sont venus me visiter dans les rêves de ma nuit.
Une ancienne maison, un rez-de-chaussée sombre et humide, une grande armoire que j'ouvre, des tiroirs. De ces tiroirs je sors des jouets, les jouets de ma petite enfance, et puis mes cahiers d'écoles, de collège. Je revois tout avec une incroyable précision, et je retrouve mon écriture, mes notes, les protège-cahiers alors obligatoires, des livres dont je ne me souvenais plus.
Et c'est-là ce qui m'interroge le plus : dans quel lieu bien caché de ma mémoire se tenaient ces souvenirs oubliés. D'où reviennent ces images, ces détails si précis et pourtant occultés par ma vie d'adulte ?
Je n'ai pas les connaissances scientifiques qui puissent l'expliquer, je dois attendre ces visites émouvantes et nocturnes, celle du petit ours qui m'a accompagnée trente ans durant, avant que je ne décide de le brûler avec infiniment de tendresse et de reconnaissance dans le feu qui transforme et sublime, mais qui ne peut triompher de la mémoire de l'enfance.