samedi 27 novembre 2021

Eurydice...


                            photo fabian da costa
 

Eurydice, Eurydice, je pense à toi ce soir. Il fait froid, il fait noir, et je t’entends chanter. Non, ce n’est pas Orphée qui chante en ce moment, c’est toi, et ta voix est belle, plus belle encore d’avoir été si longtemps retenue.

 

Orphée qui se retourne et te perd à jamais, de lui seul on connaît la plainte. Qui aimait-il vraiment celui qui n’a pas été capable de te ramener sur terre ? Etait-ce Eurydice, ou le mirage d’un amour qui n’était déjà plus, le rêve d’une femme, ou celle que tu es vraiment.

 

Mais peut-être que toi, dont il a lâché la main, ne te plains tu pas. On nous a fait croire que les enfers t’ensevelissaient, que l’ombre t’engloutissait. Comme c’était simple, Orphée désespéré enchantait le monde par ses chants et sa musique, et Eurydice disparaissait à tout jamais. Fin de l’histoire.

 

Triste fin…non - car je te vois Eurydice, tu cours joyeusement dans ce monde qui est le tien, tu chantes et tu ris, et tu es heureuse car tu es libre, même si ce n’est pas toujours la même chose. Et l’éclat de ta joie, l’éclat de ta voix, sont l’éclat d’Eurydice.

 

Alors ce soir ma belle, fais-toi encore plus belle, mets ta robe rouge et tes hauts talons, maquille-toi et va danser là-bas, dans ces vastes salles que l’Amour illumine. Vis de cette vie que tu as choisie, et ce n’est pas la mort.

 

 


mercredi 24 novembre 2021

La porte rouge


 

La porte rouge dans la brume, entre jardin et forêt, connu et inconnu. Avant elle, les hommes et leurs vies, leurs maisons, leurs histoires et leurs rêves. Après elle, le sentier qui descend vers la forêt et s’enfonce sous les arbres.

 

Ce n’est  pourtant qu’une frêle structure de bambous, une légère frontière, pas même une barrière. Et pourtant la franchir c’est entrer dans un monde qui n’est plus le nôtre, dans un temps qui n’est plus tout à fait le même.

 

Là-bas, c’est le territoire des renards, du blaireau qui vient régulièrement saccager le potager, des sangliers, et des chevreuils affamés, qui osent l’hiver venu, manger les baies des lorraines jusque sous nos fenêtres.

 

La porte rouge dans la brume, ce jour de novembre - comme un appel au voyage de l’âme, au repos du coeur douloureux. Une extrême douceur offerte.

 

 

mercredi 17 novembre 2021

Vous avez dit impermanence ?

 

photo fabian da costa

 

Reconnaître l’impermanence de tout amour, de toute rencontre, de toute chose, rend chaque amour, chaque rencontre, chaque chose, précieuse et légère.

 

Cela qui fait peur d’abord, de moins aimer, de moins être aimé, ce qui semble un effort, un deuil cruel, se révèle comme un miracle plein de douceur et de tendresse.

 

Mais ne pas s’illusionner, car ce sentiment d’impermanence peut lui aussi se révéler... impermanent…

Et tout est à recommencer. Dans la joie si possible et de l’humour en plus.

 

 

vendredi 12 novembre 2021

Le sommeil des dieux

 

                          Vishnu qui rêve le monde

 

 Il y a des jours comme ça où tout est vide, creux, vacant. Des jours qui n’ont goût de rien, ni d’un lundi, ni d’un dimanche. Il y a des jours comme ça où il importe peu que le soleil brille ou que la pluie tombe. La vie te file entre les doigts, comme la brume un soir d’automne se glisse entre les arbres 

 

Et pendant ce temps –là, tu dis – où sont les dieux ? Ceux qui devraient enchanter la vie, faire danser les cœurs, réjouir les âmes. Où sont-ils ? Dorment-ils quelque part dans un lieu secret, d’un sommeil si profond qu’ils ne voient rien, n’entendent rien ?

Sommes-nous si peu de choses pour eux qu’ils nous délaisseront à jamais ? Et ainsi va le pauvre cœur humain, dans ces pauvres jours perdus.

 

Les dieux dorment peut-être, mais le sommeil des dieux n’est pas comme le nôtre, une absence, un oubli. Nous sommes dans leurs rêves, nous habitons leurs songes. J’aime à croire cela - que nous ne sommes peut-être que passagers d’un instant, voyageurs fugaces dans un sommeil divin.

vendredi 10 septembre 2021

Une histoire de poissons...

 




 

 

Comment attraper le poisson-chat

avec une calebasse.

Inspirer profondément,

devenir la calebasse,

attraper le poisson-chat…

et le relâcher.

 

Ou bien encore…

 

Verser de l’eau claire dans la mare vaseuse

Les poissons-chats se réfugient dans la calebasse.

 

Vous n’avez pas de poissons-chats chez-vous ? Mais si, juste que vous ne le saviez pas encore.  Vous n’en auriez rien à faire…Ce n’est pas certain. Je viens de voir les miens et je cherche la calebasse. Essayez, vous verrez bien !

 

Et soit dit en passant, je vous recommande le livre «  La caverne aux chauves-souris sous la montagne noire «  de Sébastien Raizer. Ed. Le Relié, dont je partage ces lignes. Les poissons-chats et autres créatures viendront vous visiter, en toute amitié.

 

 

 

mardi 4 mai 2021

Une fleur à midi

 


Le village où l’horloge est une fleur

 

C’est un livre retrouvé, offert voici quelques années par une amie, indianiste distinguée qui en avait assuré la traduction. Un livre revenu à la surface de l’océan de bouquins qui m’entoure. L’auteur, un poète indien, Kedarnath Singh, est né dans les années trente dans un petit village de l’Uttar Pradesh.

 

Et dans son village une école, semblable certainement à celles que nous connaissons là-bas – un toit, quelques murs, une longue galerie en plein air et des enfants parfois assis par terre, leurs genoux pour pupitres. Dans cette école, pas d’horloge pour sonner midi, l’heure de la fin des classes. Non pas d’horloge, seulement une magnifique fleur rouge incandescent, la dupahariya, qui s’ouvre à midi, ouvrant en même temps les portes de l’école et faisant naître de surcroit, un poète de plus sur la terre des hommes.

Naissance précieuse entre toutes, et dans ces temps moroses, je les nommerai volontiers, “ biens essentiels “ à l’âme et au cœur.

 

Ce livre que je lis et relis en ce moment, “ Dans un pays tout plein d’histoire…“ contient un long poème sur “ Bâgh “, le tigre. En Inde les tigres après avoir servi trop longtemps aux tableaux de chasse des maharadjas et des occupants anglais, sont protégés, choyés. Ils ont été et demeurent encore des êtres mythiques, admirés et craint des humains qui empiètent trop souvent sur leurs territoires traditionnels.

 

Mais chez un poète le tigre est plus encore. C’est une présence furtive et pourtant bien visible, qui parle aux oiseaux, aux paysans, à Bouddha, porteur d’une redoutable innocence, d’une incomparable justesse.

 

Je ne sais pas ce qu’il en sera de vous, mais moi je sais que sur ses pattes de silence, si je l’appelle doucement, il vient à ma rencontre, plonger ses yeux dorés dans les miens. Vous ne saurez pas ce qu’il me dit. Essayez, vous verrez bien…Pour chacun de nous le regard du tigre est un secret.

 

 

 

 

 

 

dimanche 2 mai 2021

Une histoire de tigre

 

                         Tiruvanamalai -Inde-photo fabian da costa


Dans ce pays immense

Dans le poudreux septentrion

Il est un lieu en ruines

Quelque cité antique

Où dans les temps anciens

De sa splendeur passée

Venait parfois Bouddha

Venait parfois aussi le tigre

 

Ils y venaient par des chemins distincts

Si l’homme arrivait par l’Est

Le tigre lui alors

Arrivait tantôt par l’Ouest

Tantôt de quelque direction sans nom

Dont personne n’avait jamais eu connaissance

 

Mais parfois tous les deux

Se trouvaient face à face

Et le tigre levait les yeux

Regardait le Bouddha

Et le Bouddha baissait la tête

Et passait son chemin

 

Ainsi allait la vie

La vie glorieuse de la petite ville

Dans l’ombre double

De la compassion de Bouddha

Et du terrible tigre

Deux ombres qui se croisaient

…………………………………..

Et c’est ainsi qu’entre eux

Se créa cet étrange lien

Insatiable faim d’un côté

De l’autre infinie compassion

Et entre l’une et l’autre

Il n’était aucun pont

 

Mais parfois dans la nuit

Quand sur les cimes de l’Himalaya

Tombait la neige

Que dans la ville soufflait la bise

Les résidents alors songeaient

Cette rafale aura transi Bouddha

Et cette même rafale

Merveille des merveilles

Aura aussi fait frissonner le tigre !

 

Kedarnath Singh “ Dans un pays tout plein d’histoires…“ Ed. Caractères

mercredi 28 avril 2021

Pour ceux qui veulent écrire

                       

 
                          
 
Les mots ne meurent pas de froid, ils meurent

 

Ils ne meurent pas de froid, les mots

Quand faiblit le courage

Quand surviennent les pluies

Alors meurent les mots

 

J’ai fait une fois

La rencontre d’un mot

Comme un oiseau

Rouge flamboyant

Aux marges de mon village

Je le ramenai à la maison

Mais à peine le seuil franchi

Il me jeta un regard

Plein d’un étrange effroi

Et il rendit

Son dernier soupir

 

Et depuis j’en ai peur des mots

A leur rencontre

Longtemps j’ai battu en retraite

Et longtemps j’ai fermé les yeux

A la vue d’un mot hérissé

Brillant de toutes ses couleurs

Marchant sur moi

 

Puis peu à peu

Je pris plaisir à ce jeu

Un jour sans raison aucune

Je lapidai un joli mot

Qui se coulait

Comme un serpent

Dans une botte de paille

 

Je me souviens encore maintenant

De ses beaux yeux brillants

 

Le temps est passé

A présent ma peur s’est calmée

Maintenant si je les croise

Je m’enquiers de leur santé

 

J’ai appris maintenant

Leurs innombrables refuges

Et leurs innombrables couleurs

J’ai appris par exemple

Que les mots les plus simples

Sont ceux couleur pastel et pourpre

Que les mots les plus risqués

Sont ceux couleur jaune pâle et rosé

 

J’ai appris que les mots qu’on préserve

Pour les temps les plus sombres

Les plus pénibles

Se révèlent souvent

Les plus pénibles

Se révèlent souvent

Les plus vils

Le moment venu

 

Et qu’y puis-je à présent

Si les mots qui ne servent à rien

Déchets abandonnés

Aux couleurs délavés

Me semblent les plus dignes

De confiance

Dans les moments d’adversité

 

Hier, rien qu’hier

Voici ce qui m’est arrivé :

Dans une rue sombre

Une petite douzaine de mots

Robustes et beaux

Soudain m’ont encerclé

 

Je perdis mon sang-froid

Leur fis face un moment

Debout couvert de sueur

Sans voix

Je voulus prendre mes jambes à mon cou

Mais à peine avais-je tourné les talons

Qu’un tout petit mot essoufflé

Couvert de sang

Arriva de je ne sais d’où

Et dit, “ allez, je te ramène à la maison “

 

Kedarnath Singh  “ Dans un pays tout plein d’histoire “

lundi 26 avril 2021

Noces d'émeraude...

 

                        La table d'Emeraude Matthäus Mérian 1618

 

" Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut comme ce qui est en bas. "

Hermès Trimegiste

 

 

 Les enveloppes déchirées,

Les cœurs usés,

Nous avancerons toujours.

 

A travers les buissons d’épines

Nos sangs se seront mêlés,

Nos chairs se seront soudées.

 

Nos vêtements en lambeaux,

Le cœur en joie,

nous avancerons toujours.

 

Si le feu nous consume

En une seule flamme,

Si la glace nous fige en

Un couple de cristal,

 

Si la terre s’ouvre en un double tombeau,

si poussés par le monde

Nous chutons dans l’espace,

 

Humblement, nous

confessant à Dieu pour

nos fautes mutuelles,

nous avancerons sereins.

 

Guidés par ceux qu’Il aime

Vers l’unique destin

Qu’Il a choisi pour nous.

 

Fabian da Costa ( mon jeune fiancé pour le jour de nos noces voici 40 ans )

 

 

mercredi 14 avril 2021

Ancêtres...?

 


 

 Et si nous ne descendions pas d'un chimpanzé menaçant, mais d'un gentil grand singe empathique de type bonobo ? "

 

Frans de Waal, primatologue.

 

 

 Franchement, voilà une idée que je trouve bien séduisante. De ma première éducation " judéo-chrétienne ", j'avais quelques temps, comme il en était obligatoire sous peine de damnation éternelle, cru que mes premiers ancêtres se nommaient Adam et Eve, venus tout droit du paradis, avant que leur amour immodéré pour les pommes ne leur attire beaucoup de pépins.

 

Quelques années et  avancées scientifiques plus tard, j'ai accepté sans trop de peine de reconnaître les chimpanzés pour mes premiers et lointains parents. Cela m'était d'autant plus facile, que née sous X, je ne connaîtrai jamais rien de mes ascendants, puisque personne de ma famille biologique n'eut jamais l'idée de réclamer la merveilleuse, la prodigieuse personne que je suis : tant pis pour eux.

 

Et je retombe aujourd'hui sur une excellente nouvelle qui m'avait échappé : nous descendrions en fait des gentils bonobos, nos plus proches parents, par un génome quasi commun. Je m'en réjouis et j'échange sans hésitation des ancêtres bibliques maudits par un Dieu vengeur et des chimpanzés bagarreurs - se souvenir des premières images de " 2001 Odyssée de l'espace " - où découvrant l'utilité d'un os imposant, le chef du clan des grands singes en fracasse immédiatement le crâne de son rival - contre une famille de gentils bonobos, doués d'empathie, préférant faire l'amour et pas la guerre. Nos chers hippies qui ne connaissaient pas encore cette filiation, ont parfaitement appliqué cette méthode " non-violente ".

 

Bon, les bonobos sont peut-être un peu trop " partouzeux," mais nous ne sommes pas forcé de tout aimer chez ceux qu'on aime...n'est-il pas...?

 

Et cette bonne nouvelle l'est à plus d'un titre, car cela voudrait dire également que l'humain n'est pas dès l'origine une race de brute. L'empathie, l'altruisme, la gentillesse, font partie de notre patrimoine, à nous de les faire émerger. Il paraitrait que même dans les domaine qui en semblent les plus éloignés, l'économie, la gestion d'entreprises, la notion d'empathie prenne de plus en plus de place...c'est-vous dire...

 

 

 

 


lundi 12 avril 2021

Où sont-ils ?

 

                    souvenirs - photo fabian da costa


Où sont les mots oubliés, les souvenirs perdus, les sentiments enfuis ?

 

Tu cherches tes mots.

 

Tu ne te souviens plus.

 

Le parfum des amours s’est évaporé.

 

Et voilà que tu sens lentement, insidieusement, s’installer à leur place un brouillard léger mais tenace. Une brume plutôt, qui efface les contours, gomme le paysage.

 

Ce n’est pas une vraie douleur, juste un pincement au cœur devant ces absences, un mélancolique regret. Rien ne peut se tenir, ni se retenir. Tu le sais, tu le vois. Triste ? Non, pas vraiment, si tu donnes liberté à tout cela que tu as cru être tiens. La liberté de partir et de revenir – ou pas. Si tu te donnes à toi aussi la liberté de partir et de revenir. De revenir dans ces lieux aimés, parmi ces mots que tu avais égarés, vers ces amours que tu choisis de retrouver.

 

Ils reviendront aussi sûrement que le jour vient après la nuit. Pas forcément semblables à ceux que tu avais connus. Ils avanceront vers toi peut-être masqués, changés, transformés par le temps. Alors tu ouvriras les bras et tu les prendras tendrement contre toi. Tu leurs diras : vous voici enfin - comme vous êtes beaux, précieux, plus aimés encore qu’au début de notre rencontre. Et cette rencontre là, sans doute, sera celle du Vrai Amour.

 

 

 

 

Eurydice...

                                   photo fabian da costa   Eurydice, Eurydice, je pense à toi ce soir. Il fait froid, il fait noir, et je t’...