Soir d'orage - photo fabian da costa
Invisibles tranches du temps, petits carrés de mosaïques au plafond de nos vies. Un petit cube de verre bleu pour les jours de soleil, un cube de verre feu pour les soirs d'été. Irisation de nos ciels.
Aller d'un bout à l'autre du jour, depuis le ciel du matin dans les carreaux de la fenêtre, jusqu'au seuil de mon sommeil. Je voudrais une fin de journée, m'asseoir dans le silence de la maison et laisser glisser les heures sur mes mains immobiles. Je voudrais voir la lumière couler sur les murs et les vitres, l'ombre s'allonger comme un chien fatigué sur le carrelage frais. Je voudrais entendre le temps passer, marcher. je voudrais me défaire de l'habitude du faire et attendre la nuit.
La première gloire de l'enfance s'éteint quand s'accélère la sensation du temps qui fuit. Viennent alors en rangs serrés les devoir, les falloir, les exigeantes urgences. Le velouté de l'enfant se râpe et se durcit au frottement de la vie. Le cal nous vient au coeur et s'oublie alors le bonheur de regarder les heures et les jours avec des yeux tranquilles.
Pouvoir rester, même de rares fois, dans la sérénité du temps qui passe. Parvenir juste par instant, à se faire un ami de cet ennemi. Apprivoiser le tyran qui nous étreint chaque jour, pour nous laisser rompu au bout de notre vie. Ce n'est pas la moindre grâce qui nous serait donnée là.
J'ai cru voir pour la première fois des aubes se lever dans des ciels toujours neufs. J'ai découvert les gestes du matin, ceux que l'on fait le coeur encore endormi, replié sur la nuit toute proche. La danse quotidienne qui apporte sur la table, le thé, le lait, le beurre, les céréales. Faut-il donc tout ce temps pour en prendre conscience ?
Et puis viennent les soirs. Ceux d'été où la lumière s'attarde longuement sous le toit, avant de se déliter dans le champ de blé où elle se couche ici. Nous dormirons dans l'odeur du soleil, des tilleuls et des vieilles tuiles rousses du l'atelier voisin.