Le village où l’horloge est une fleur
C’est un livre retrouvé, offert voici quelques années par une amie, indianiste distinguée qui en avait assuré la traduction. Un livre revenu à la surface de l’océan de bouquins qui m’entoure. L’auteur, un poète indien, Kedarnath Singh, est né dans les années trente dans un petit village de l’Uttar Pradesh.
Et dans son village une école, semblable certainement à celles que nous connaissons là-bas – un toit, quelques murs, une longue galerie en plein air et des enfants parfois assis par terre, leurs genoux pour pupitres. Dans cette école, pas d’horloge pour sonner midi, l’heure de la fin des classes. Non pas d’horloge, seulement une magnifique fleur rouge incandescent, la dupahariya, qui s’ouvre à midi, ouvrant en même temps les portes de l’école et faisant naître de surcroit, un poète de plus sur la terre des hommes.
Naissance précieuse entre toutes, et dans ces temps moroses, je les nommerai volontiers, “ biens essentiels “ à l’âme et au cœur.
Ce livre que je lis et relis en ce moment, “ Dans un pays tout plein d’histoire…“ contient un long poème sur “ Bâgh “, le tigre. En Inde les tigres après avoir servi trop longtemps aux tableaux de chasse des maharadjas et des occupants anglais, sont protégés, choyés. Ils ont été et demeurent encore des êtres mythiques, admirés et craint des humains qui empiètent trop souvent sur leurs territoires traditionnels.
Mais chez un poète le tigre est plus encore. C’est une présence furtive et pourtant bien visible, qui parle aux oiseaux, aux paysans, à Bouddha, porteur d’une redoutable innocence, d’une incomparable justesse.
Je ne sais pas ce qu’il en sera de vous, mais moi je sais que sur ses pattes de silence, si je l’appelle doucement, il vient à ma rencontre, plonger ses yeux dorés dans les miens. Vous ne saurez pas ce qu’il me dit. Essayez, vous verrez bien…Pour chacun de nous le regard du tigre est un secret.