Arunachala - India - Tiruvanamalai
photo fabian da costa
Le temps de ces temps-ci
est un temps de retrait, nous le savons tous. Un temps recommandé pour
revisiter sa maison, ranger les armoires, vider les tiroirs. Et puis le temps
passant, après celui du dehors, vient le temps du dedans. Je veux parler du
dedans du dedans. De cet inexploré ou bien si peu visité, qu’on en perd parfois
le chemin.
De belles âmes, de bonnes
paroles, nous invitent par avis de gros temps - ici vent de tempête force 8 -
nous invitent donc à profiter de cet exceptionnelle opportunité pour
“ aller y voir “ - expression favorite des gens du métier.
J’y suis donc allée,
doucement pour commencer, comme sur tout chemin un peu oublié. Je me suis vite
retrouvée : il n’y avait quand même pas si longtemps que je ne l’avais
parcouru. Et très vite aussi, je l’ai
revu ! Toujours à la même place, toujours aussi vaillant. Mais là, oh
surprise, il était nu. Oui, mon cœur était nu, sans protection. Le moindre
souffle aurait pu le faire frissonner, le plus petit bruit trembler.
De quelqu’un de sensible on
dit qu’il a le cœur tendre, d’un généreux, le cœur sur la main, d’un
indifférent, le cœur dur. Mais qui osera avouer, moi j’ai le cœur nu. La nudité
du corps est moins gênante que celle-ci.
Je l’ai regardé avec
compassion et je crois même que je me suis mise à pleurer. C’est alors qu’il m’a parlé. Oui je sais, un
cœur qui parle peut vous sembler étrange. Mais n’oubliez pas que nous sommes
dans une époque où plus rien n’est prévisible, où le bizarre est la norme, le
jamais vu l’ordinaire. Alors j’ai écouté mon cœur, ce qu’entre nous, nous
devrions faire plus souvent.
Et c’est lui qui m’a
consolée. - Mais ce n’est pas triste m’a t-il dit avec une grande tendresse,
d’être nu comme je le suis. Au contraire, même si au début j’avais un peu froid.
On s’habitue assez vite à se défaire des couches accumulées au fil d’une vie.
Ce sont les vieilles croyances, les anciennes certitudes qui s’en vont. Les
idées qu’on se faisait sur ce que devait être le chemin, sur ce qu’on estimait
avoir le droit d’espérer, d’exiger.
C’est parfait de se
débarrasser de toutes ces histoires qu’on se raconte pour se rassurer, pour se
réchauffer. Je me suis senti tellement plus libre, une vraie joie. Mais le plus
dur restait à venir. Avec le dernier voile, celui qui colle au plus près, tu
enlèves en même temps bien davantage que tu ne pouvais te l'imaginer. Là tu as vraiment
mal. Tu connais la douleur et tu penses que tu ne vas pas survivre.
Cela s’appelle se séparer
des illusions de l’amour, pour arriver à l’amour sans illusions. Et malgré ce
que l’on croit au début, quand on souffre tellement, c’est la plus belle chose
qui puisse nous arriver. Parce que là commence le vrai amour. Celui qui est - juste
parce qu’il ne peut pas en être autrement. Celui qui aime sans conditions, sans
espérances de retour, sans marchandages, sans garantie d’éternité. Alors le
cœur nu n’a plus froid, il est ardent et brûle, et demande à aimer toujours
plus.