Bénarès - photo fabian da costa
Cette
puissance féminine créatrice de tout ce qui existe dans l'univers, cette force
divine qui s'unit au masculin pour donner la vie, ainsi que le décrit un ancien
texte du Cashmire :
" Chaque fois que Shiva et Shakti resserrent
leur étreinte
d'un espace
égal à l'épaisseur d'un cheveu,
quelque part dans l'univers une galaxie disparaît.
Chaque fois qu'ils desserrent leur étreinte d'un
cheveu,
Une nouvelle galaxie est née. "
Malgré tout ce que nous pouvons savoir de la condition de
la femme en Inde, et après tout sommes-nous bien certain d'être chez-nous des
modèles en la matière, je persiste à croire et à voir, que la femme indienne
possède cette shakti, tout autant que je trouve qu'elle fait cruellement défaut
aux femmes occidentales. Cela bien entendu n'engage que moi, et je reconnais
volontiers que je ne parle ici que de généralités.
Sans doute est-ce grâce à cette force que les femmes
indiennes ont résisté à tant de mauvais traitement dans les pires des cas, ou
simplement aux coutumes contraignantes de la vie courante. L'Inde est quand
même le pays qui s'est donné une femme premier ministre, où elles sont
majoritairement à la tête des conseils municipaux, où les femmes médecins,
avocates, chefs d'entreprises, ne se comptent pas.
Mais ce qui me touche le plus, c'est la shakti ordinaire
si j'ose dire, la flamme qui brûle discrète mais bien présente, dans ces femmes
de tous les jours. Celle qui leur donne la fierté, la générosité, la noblesse
qui transparaît dans les plus humbles paysannes. La shakti qui m'a fait je
l'avoue rire de plaisir, je l'ai vu à l'œuvre à Madurai, dans l'immense temple
de Meenakshi.
Meenakshi est l'épouse de Shiva, sous l'un de ses
nombreux noms. Son indispensable parèdre. Tous les soirs, en grand cortège et
grande pompe, Shiva est conduit en palanquin rejoindre Meenakshi dans l'autel
qui lui est consacré. Les rideaux sont tirés et les prêtres laissent pour la
nuit, les divins époux s'aimer. Le lendemain matin, Shiva est reconduit dans sa
demeure, et ainsi tous les jours.
Mais
une fois par semaine, la déesse est déposée sur un char, uniquement tiré par
les femmes. Meenakshi disparaît sous des dizaines de saris précieux et quantité
de guirlandes de fleurs. Un taureau blanc et la fanfare du temple précèdent la
procession qui fait le tour de l'enceinte du temple. Le char est très lourd et
les femmes nombreuses à le faire rouler lentement dans la nuit. Les femmes,
mais pas les hommes – sauf un malheureux inconscient, qui voulut s'immiscer
dans la cohorte féminine accrochée aux montants du char.
Grave erreur, car j'ai vu
la Shakti courroucée lui en faire payer le prix. Une dame, ni très jeune, ni
très grande, se tourna vers l'intrus et d'une main, car de l'autre elle
s'agrippait à sa place, elle frappa violemment le pauvre homme
avec son joli sac à main. Sous les coups redoublés, il dut se retirer piteusement et
j'ai senti courir sous les saris, des ondes de profonde satisfaction.