Contemplation du Mont Athos depuis les balcons du monastère de Simonos Petra
Comment parler du Mont Athos, surtout si l'on est une femme, sans entendre l'éternelle revendication féminine :
" Et pourquoi les femmes n'ont-elles pas le droit d'y aller ? " Dieu sait, et c'est bien le lieu pour le dire, que je suis féministe - et pourtant, pourtant...
Aux
portes du jardin de la Mère de Dieu
Ouranopolis, trois rues parallèles : L’une
au milieu du village, l’autre en bord de mer, la troisième un peu à l’écart. La
première, bordée de magasins d’icônes et d’objets religieux, de bijouterie, de
souvenirs…la deuxième, celle des restaurants - la troisième, la plus
tranquille, abrite une boulangerie, une épicerie, quelques vraies maisons,
j’entends par là des lieux où habitent de vrais gens.
La plage appartient aux chats, à leurs
amours et à leurs bagarres, quand ils ne sont pas aux aguets sous les tables
des convives.
Et malgré tout, en dessous ou en dessus
des oripaux des commerces, des restaurants, des vagues de touristes sortant des
cars pour y revenir une heure après, Ouranopolis “ la cité du ciel “, demeure
toujours la dernière terre habitée avant ce territoire invisible et pourtant si
présent, la Sainte Montagne. Le vrai charisme du village vient de cet ailleurs,
de ce lointain qu’on ne peut voir, de cette montagne, pôle invisible qui
aimante les pensées, les énergies.
Et puis la jetée, embarcadère des départs
vers l’Athos et des quelques bateaux qui vont jusqu’aux îles alentour. La jetée comme une passerelle
sur laquelle vont et viennent les pèlerins, au milieu des voitures, des
camions, des chargements de bois, de ciment, de vivres.
Des hommes, toujours et seulement. Des
moines, beaucoup de moines, quelques anciens accompagnés d’un jeune novice qui
porte leurs bagages, les pèlerins qui reviennent et ceux qui embarquent. Et
parfois, deux ou trois femmes, les yeux fixés sur le bateau qui tire droit vers
le large, puisque depuis des siècles aucune d’entre elles n’a posé le pied sur
la terre athonite.
Il serait dommage de se lever “ vent
debout “ contre cet “ Interdit “. Il serait navrant que les femmes, ne se
souviennent pas de leur dignité. Il serait désolant qu’elles oublient, que si
certains cultivent à leurs égards des pensées humiliantes, elles peuvent les
leur abandonner, car seule la pensée des femmes sur elles-mêmes, compte.
“ l’Athos ne dit pas non aux femmes , il
dit oui à l’inviolable. “
Il dit oui à l’accueil d’un mystère que l’on peut refuser, mais qui a beaucoup
à dire si on veut bien l’écouter. Il apprend qu’il est possible de contempler
une fleur et de ne pas la cueillir, que certains territoires peuvent se
connaître justement, par l’absence et le silence.
Ne plus se croire le droit de tout voir,
de tout savoir, parce que cela existe, et bien davantage encore, parce que c’est
impossible - plus profondément aussi, respecter la virginité en l’autre et en
soi, pour que vienne au monde le Tout Autre, tellement plus important.
Oui, ne pas entrer, mais contempler une
toute jeune fille qui se promène dans ce jardin. Elle est celle que Dieu a
choisi - une vierge innocente - ce qu’il y avait de plus fragile, de plus fort,
de plus précieux en Israël, pour mettre
au monde son Fils, le Fils de l’Homme.
Et voici qu’elle est Reine en ce Jardin.
Elle l’a - dit la tradition - demandé comme un cadeau à son fils, et un fils,
surtout là-bas, ne refuse rien à sa mère.
Être assise aux portes du Jardin de la
Mère de Dieu n’est pas une humiliation, une frustration. C’est la grâce
particulière de découvrir en son propre coeur les chemins qui conduisent vers le Grand Mystère, et ils
ne sont pas si différents de ceux que foulent les pieds des pèlerins, sur la
Sainte Montagne.
Anne da Costa
" Le mont Athos, une expérience spirituelle " Ed. Dervy