Faire du Gris
Ecoutant voici quelques
jours une émission à la radio sur l'édition, les livres et les revues, j'ai
enfin compris, découvert, une vérité que je soupçonnais sans parvenir à la
faire venir au jour.
Des graphistes, charmants
au demeurant, expliquaient que dans leur jargon de métier, un livre de textes
et d'images, se mettait en pages en planifiant tout d'abord les illustrations,
puis en calculant l'espace accordé à ce qu'ils nommaient " le gris ".
Ce fameux gris n'est autre
que le texte pondu par de pauvres tâcherons, dont j'ai fait partie, et qui se
sont en général appliqués à écrire sur un sujet de commande certes et en
général, mais avec tout leur cœur et éventuellement un peu de talent.
Ce gris n'est pas lu pour
la plupart du temps, sauf lorsque le texte est l'œuvre d'un écrivain célèbre,
ce gris ne sert en fait que de faire valoir aux illustrations. Et bien voilà
que j'ai envie aujourd'hui de rendre hommage à tous les faiseurs de gris,
scribouillards de petite main, nègres de toutes les couleurs.
Ces jours de fêtes sont
propices aux cadeaux de beaux livres. Alors je vous en prie, même si la plume
qui accompagne les magnifiques illustrations n'est pas de haute naissance,
lisez un peu du gris qui a coûté de la matière grise au pauvre écrivaillon qui
l'a barbouillé.
Et puis une dernière réflexion qui me vient : il y a encore pire que
d'écrire du gris, c'est écrire du blanc.
A savoir écrire pour rien ni pour personne.