lundi 19 mai 2014

Un pèlerinage...fin...pour le moment...


Baba Om Giri et son disciple - photo fabian da costa


Non, je ne suis pas morte, heureusement, parce que franchement je ne me sentais pas prête pour la grande rencontre. Mais mon état est toujours aussi préoccupant. Fabian pourrait continuer jusqu'au bout avec notre guide en me laissant au camp, mais je dois absolument redescendre rapidement et il ne veut pas me laisser seule avec un des porteurs pour le retour.

Donc, la troupe fait ses bagages et nous repartons pour quatre heures de descente qui seront encore quatre heures de souffrances. J'ai trop attendu et il me faudra plusieurs jours pour récupérer du souffle et des jambes.

Nous ne verrons pas Gaumuk et la bouche grande ouverte dans la montagne qui laisse échapper entre les moraines grises une eau blanche et bondissante. Une eau glacée dans laquelle les sâdhus osent se baigner presque nus. Et encore moins Tapovan, plus difficile d'accès car il faut escalader parfois dangereusement la moraine glissante.

Certains vont plus loin, plus haut, vers toujours davantage de solitude et de majesté. Les montagnes ne sont plus seulement des montagnes, mais les incarnations vivantes des dieux, l'espace est chargé des énergies spirituelles de tous ceux qui ont franchi les épreuves parfois très dures, de ce parcours.

Nous avons fait étape avant le retour vers la vallée, dans une petite bourgade réputée pour ses sources d'eau chaude. J'y ai baigné mes courbatures et mes douleurs, j'y ai aussi rafraîchi mon âme.

Tout près du temple, dans une petite cellule, vivent un sâdhu et son disciple. J'ai mis un jour au moins, avant d'oser m'approcher d'eux et de m'asseoir sur l'étroite banquette, devant le feu sacré toujours entretenu par le disciple. Celui-là surtout m'impressionnait : d'apparence, redoutable shivaïte, il était en fait doux comme un agneau. Tout au long du jour hommes, femmes et enfants, entraient dans la cellule, saluaient le maître, et recevaient de son compagnon une marque de cendres sur le front, une poignée de douceurs, et pour les plus démunis quelques roupies données juste avant  par d'autres pèlerins.

Lors de notre dernière visite, avant le départ, j'ai confié à Baba Om Giri, ma tristesse et ma déception devant l'échec de notre pèlerinage raté à cause de moi. Il m'a regardé longuement tout en tirant sur son chilom : " Dieu est partout, et pas seulement à Gaumuk, ni à Tapovan. Ce n'est pas grave, Dieu est dans ton cœur, toujours."

Venant d'un homme qui dès son adolescence s'est consacré à la recherche de Dieu, qui a passé des années là-haut sur les Himalayas, retiré dans une grotte d'où il ne descendait que rarement pour chercher quelques provisions, des heures de marche plus loin, ces paroles m'ont consolé, rassuré.

Alors, si la force et la valeur d'un pèlerinage ne se mesurent pas au nombre de kilomètres accomplis et si comme on le dit, le chemin et le but sont une même chose, toute cette aventure n'a pas été inutile. Alors marcher ainsi, c'est marcher vers son coeur, marcher vers le divin. Il n'y a d'autres conquêtes ici que celle de l'amour, y compris pour ce pauvre soi si faible et désarmé.




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