Oui, nous sommes revenus de Chine...j'en parlerai un jour...mais pas aujourd'hui...aujourd'hui je parle d'un poète, d'un peintre, d'un tigre.
Pourquoi ? Parce que je viens de lire " Un assassin blanc comme neige " de Christian Bobin. Bobin, il me faut à chaque fois et tout d'abord, le lire vite, très vite, car chacun de ses mots me brûlent et me consument. C'est un feu d'amour, de joie, de tragédie, de splendeur, que je dois franchir d'un bond, comme les jeunes gens de mon village sautaient par-dessus les feux de la Saint-Jean à la nuit venue, si je ne veux pas retomber en cendres.
Après, mais seulement après, je peux revenir sur la pointe des pieds et me promener calmement à travers les lignes et les images.
L'image de ce jour c'est un tigre, mais pas n'importe lequel, c'est le tigre du vieux peintre japonais Hokusai.
Pour les lignes, voici celles de Bobin : " Hokusai pense à la fin de sa vie que la vie n'est que commencements. A quatre-vingt-dix ans je pénètrerai le mystère des choses ; à cent ans, je serai décidément parvenu à un degré de merveille, et quand j'aurai cent-dix ans, chez moi, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant. A l'heure où j'écris, continuant à peindre après que la mort a lavé ses pinceaux, Hokusai à deux cent cinquante ans. Le vieux tigre est de plus en plus souple, son bond a la forme de l'arc-en-ciel.
Dans le couloir de la maison de retraite, je passe devant une chambre dont la porte est ouverte. Il y flotte une atmosphère de guerre perdue. Comme un ange sonné par les coups et poussé dans les cordes, un hommes las se dirige vers la fenêtre. Il tourne le dos à la télévision dont il a coupé le son et laissé les images. Un tigre blanc traverse lentement l'écran. Cette vision m'aveugle et cet aveuglement me rend voyant : aucune guerre n'est définitivement perdue. Une nuit, le tigre blanc reviendra dans la chambre du vieillard qui sera sauvé par cette apparition.
Les tombes s'ouvrent les unes après les autres comme des fleurs.
L'âme est un jeune tigre qui bondit par-dessus la mort. "
Christian Bobin " Un assassin blanc comme neige " Ed. Gallimard.
Lorsqu'il peignit ce tigre, Hokusai avait quatre-vingt-dix-neuf-ans, Bobin, et qu'il nous soit longtemps gardé ainsi, a l'âge de l'enfance et des sages.
Je laisse et la beauté légère du tigre et celle des mots de Bobin traverser nos écrans et nos coeurs.
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