mercredi 22 avril 2020

le coeur nu

Arunachala - India - Tiruvanamalai
photo fabian da costa


Le temps de ces temps-ci est un temps de retrait, nous le savons tous. Un temps recommandé pour revisiter sa maison, ranger les armoires, vider les tiroirs. Et puis le temps passant, après celui du dehors, vient le temps du dedans. Je veux parler du dedans du dedans. De cet inexploré ou bien si peu visité, qu’on en perd parfois le chemin.

De belles âmes, de bonnes paroles, nous invitent par avis de gros temps - ici vent de tempête force 8 - nous invitent donc à profiter de cet exceptionnelle opportunité pour “ aller y voir “ - expression favorite des gens du métier.

J’y suis donc allée, doucement pour commencer, comme sur tout chemin un peu oublié. Je me suis vite retrouvée : il n’y avait quand même pas si longtemps que je ne l’avais parcouru.  Et très vite aussi, je l’ai revu ! Toujours à la même place, toujours aussi vaillant. Mais là, oh surprise, il était nu. Oui, mon cœur était nu, sans protection. Le moindre souffle aurait pu le faire frissonner, le plus petit bruit trembler.

De quelqu’un de sensible on dit qu’il a le cœur tendre, d’un généreux, le cœur sur la main, d’un indifférent, le cœur dur. Mais qui osera avouer, moi j’ai le cœur nu. La nudité du corps est moins gênante que celle-ci.

Je l’ai regardé avec compassion et je crois même que je me suis mise à pleurer.  C’est alors qu’il m’a parlé. Oui je sais, un cœur qui parle peut vous sembler étrange. Mais n’oubliez pas que nous sommes dans une époque où plus rien n’est prévisible, où le bizarre est la norme, le jamais vu l’ordinaire. Alors j’ai écouté mon cœur, ce qu’entre nous, nous devrions faire plus souvent.

Et c’est lui qui m’a consolée. - Mais ce n’est pas triste m’a t-il dit avec une grande tendresse, d’être nu comme je le suis. Au contraire, même si au début j’avais un peu froid. On s’habitue assez vite à se défaire des couches accumulées au fil d’une vie. Ce sont les vieilles croyances, les anciennes certitudes qui s’en vont. Les idées qu’on se faisait sur ce que devait être le chemin, sur ce qu’on estimait avoir le droit d’espérer, d’exiger.

C’est parfait de se débarrasser de toutes ces histoires qu’on se raconte pour se rassurer, pour se réchauffer. Je me suis senti tellement plus libre, une vraie joie. Mais le plus dur restait à venir. Avec le dernier voile, celui qui colle au plus près, tu enlèves en même temps bien davantage que tu ne pouvais te l'imaginer. Là tu as vraiment mal. Tu connais la douleur et tu penses que tu ne vas pas survivre.

Cela s’appelle se séparer des illusions de l’amour, pour arriver à l’amour sans illusions. Et malgré ce que l’on croit au début, quand on souffre tellement, c’est la plus belle chose qui puisse nous arriver. Parce que là commence le vrai amour. Celui qui est - juste parce qu’il ne peut pas en être autrement. Celui qui aime sans conditions, sans espérances de retour, sans marchandages, sans garantie d’éternité. Alors le cœur nu n’a plus froid, il est ardent et brûle, et demande à aimer toujours plus.

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