mercredi 28 avril 2021

Pour ceux qui veulent écrire

                       

 
                          
 
Les mots ne meurent pas de froid, ils meurent

 

Ils ne meurent pas de froid, les mots

Quand faiblit le courage

Quand surviennent les pluies

Alors meurent les mots

 

J’ai fait une fois

La rencontre d’un mot

Comme un oiseau

Rouge flamboyant

Aux marges de mon village

Je le ramenai à la maison

Mais à peine le seuil franchi

Il me jeta un regard

Plein d’un étrange effroi

Et il rendit

Son dernier soupir

 

Et depuis j’en ai peur des mots

A leur rencontre

Longtemps j’ai battu en retraite

Et longtemps j’ai fermé les yeux

A la vue d’un mot hérissé

Brillant de toutes ses couleurs

Marchant sur moi

 

Puis peu à peu

Je pris plaisir à ce jeu

Un jour sans raison aucune

Je lapidai un joli mot

Qui se coulait

Comme un serpent

Dans une botte de paille

 

Je me souviens encore maintenant

De ses beaux yeux brillants

 

Le temps est passé

A présent ma peur s’est calmée

Maintenant si je les croise

Je m’enquiers de leur santé

 

J’ai appris maintenant

Leurs innombrables refuges

Et leurs innombrables couleurs

J’ai appris par exemple

Que les mots les plus simples

Sont ceux couleur pastel et pourpre

Que les mots les plus risqués

Sont ceux couleur jaune pâle et rosé

 

J’ai appris que les mots qu’on préserve

Pour les temps les plus sombres

Les plus pénibles

Se révèlent souvent

Les plus pénibles

Se révèlent souvent

Les plus vils

Le moment venu

 

Et qu’y puis-je à présent

Si les mots qui ne servent à rien

Déchets abandonnés

Aux couleurs délavés

Me semblent les plus dignes

De confiance

Dans les moments d’adversité

 

Hier, rien qu’hier

Voici ce qui m’est arrivé :

Dans une rue sombre

Une petite douzaine de mots

Robustes et beaux

Soudain m’ont encerclé

 

Je perdis mon sang-froid

Leur fis face un moment

Debout couvert de sueur

Sans voix

Je voulus prendre mes jambes à mon cou

Mais à peine avais-je tourné les talons

Qu’un tout petit mot essoufflé

Couvert de sang

Arriva de je ne sais d’où

Et dit, “ allez, je te ramène à la maison “

 

Kedarnath Singh  “ Dans un pays tout plein d’histoire “

1 commentaire:

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