Le Gange près de sa source, les Himalayas dans les nuages
photo fabian da costa
Le sol et les berges scintillent d'innombrables
étincelles de mica arrachées aux roches par les flots. Les pics enneigés
là-haut sont comme des torches de pierres vives qui se dressent devant une
barrière blanche encore plus haute.
Je ne vais pas mieux, mais de pire en pire.
J'alterne les invocations aux saints de
tous les cieux, des crises de colères contre moi, contre Fabian qui marche plus
loin devant, pour faire son travail de photographe. La veille j'ai acheté un
mala, un chapelet de perles vertes dans
une des nombreuses échoppes d'objets de piété, je l'ai mis autour de mon
cou avant le départ, comme une
protection. Et bien il ne me sert à rien et je suis furieuse et malheureuse.
Où
sont passées mes belles résolutions d'acceptation de ce qui est, mes promesses
d'accueillir avec gratitude ce que la vie me présente, mon désir de m'unir par
la prière à tous ceux qui m'ont précédé ? Je ne suis plus qu'un corps souffrant
qui ne peut plus avancer et un cœur révolté.
Malgré tout Rani presse le pas, il nous faut arriver
avant 18 heures au camp - les porteurs y sont déjà - il faut surtout se méfier
de la brume et de la pluie qui en cette saison, chaque soir, enveloppent la
montagne et rendent les pierres rondes et luisantes encore plus dangereuses.
Il me donne la main aux passages les plus ardus, me
pousse ou me tire, me donne à boire des jus de fruits qu'il tire de son sac qui
semble inépuisable, m'offre des nourritures que je refuse car je ne peux rien
avaler.
A quelques centaines de mètres en contrebas on
aperçoit les pins de Chirbasa, le camp enfin. Mais je suis tellement épuisée
que je ne peux m'empêcher de continuer à pleurer, et ce n'est pas de joie. Le camp comme un havre enfin atteint, le camp pour
se reposer, se coucher. Notre agent de voyage d'Uttarkashi nous avait promis un
lieu confortable, de l'eau chaude, des toilettes…de quoi reprendre des forces
pour la journée suivante.
Le camp, c'est une minuscule tente igloo bleue qui
n'en était pas à sa première excursion, de très léger matelas de sol posés à
terre comme leur nom le laissait à penser, une bouilloire d'eau chaude et des
" toilettes…" dont je ne parlerai pas. Mais quelle importance, en
bonne forme nous nous en serions facilement contenté, épuisés, nous l'avons
apprécié.
Nous nous couchons tout habillés, juste retirer les
chaussures, et encore parce qu'il le faut bien. La nuit sera longue et glaciale
bien entendu, nous sommes à plus de 4.000 mètres. Pour moi, rien ne va mieux et
j'ai peur de m'endormir et de ne pas me réveiller. Je sais que c'est arrivé ici
même, à des gens plus jeunes et plus aguerris que moi. Il était déjà impossible
de redescendre tout à l'heure avant la nuit, il en est hors de question
maintenant dans le noir absolu et c'est pourtant le seul remède au mal des
montagnes.
Vers deux heures du matin je me traîne hors de la
tente, la nuit est magique. Le ciel semble si proche au-dessus de moi, que je
pourrais toucher du doigt les milliers d'étoiles incroyablement brillantes qui
le constelle. Je ne sais comment, les sommets couverts de neige qui nous
entoure me paraissent rayonner d'une lumière intérieure. Finalement mourir ici,
pourquoi pas ?
Ouf!....câlinssss!!!!!
RépondreSupprimer