Baba Om Giri et son disciple - photo fabian da costa
Non, je ne suis pas morte, heureusement, parce que
franchement je ne me sentais pas prête pour la grande rencontre. Mais mon état
est toujours aussi préoccupant. Fabian pourrait continuer jusqu'au bout avec
notre guide en me laissant au camp, mais je dois absolument redescendre
rapidement et il ne veut pas me laisser seule avec un des porteurs pour le
retour.
Donc, la troupe fait ses bagages et nous repartons
pour quatre heures de descente qui seront encore quatre heures de souffrances. J'ai
trop attendu et il me faudra plusieurs jours pour récupérer du souffle et des
jambes.
Nous ne verrons pas Gaumuk et la bouche grande
ouverte dans la montagne qui laisse échapper entre les moraines grises une eau
blanche et bondissante. Une eau glacée dans laquelle les sâdhus osent se
baigner presque nus. Et encore moins Tapovan, plus difficile d'accès car il
faut escalader parfois dangereusement la moraine glissante.
Certains vont plus loin, plus haut, vers toujours
davantage de solitude et de majesté. Les montagnes ne sont plus seulement des
montagnes, mais les incarnations vivantes des dieux, l'espace est chargé des
énergies spirituelles de tous ceux qui ont franchi les épreuves parfois très
dures, de ce parcours.
Nous avons fait étape avant le retour vers la vallée,
dans une petite bourgade réputée pour ses sources d'eau chaude. J'y ai baigné
mes courbatures et mes douleurs, j'y ai aussi rafraîchi mon âme.
Tout près du temple, dans une petite cellule, vivent un
sâdhu et son disciple. J'ai mis un jour au moins, avant d'oser m'approcher
d'eux et de m'asseoir sur l'étroite banquette, devant le feu sacré toujours
entretenu par le disciple. Celui-là surtout m'impressionnait : d'apparence,
redoutable shivaïte, il était en fait doux comme un agneau. Tout au long du
jour hommes, femmes et enfants, entraient dans la cellule, saluaient le maître,
et recevaient de son compagnon une marque de cendres sur le front, une poignée de
douceurs, et pour les plus démunis quelques roupies données juste avant par d'autres pèlerins.
Lors de notre dernière visite, avant le départ, j'ai
confié à Baba Om Giri, ma tristesse et ma déception devant l'échec de notre
pèlerinage raté à cause de moi. Il m'a regardé longuement tout en tirant
sur son chilom : " Dieu est partout, et pas seulement à Gaumuk, ni à
Tapovan. Ce n'est pas grave, Dieu est dans ton cœur, toujours."
Venant d'un homme qui dès son adolescence s'est consacré à la recherche de Dieu, qui a passé des années là-haut sur les Himalayas, retiré dans une grotte d'où il ne descendait que rarement pour chercher quelques provisions, des heures de marche plus loin, ces paroles m'ont consolé, rassuré.
Alors, si la force et la valeur d'un pèlerinage ne
se mesurent pas au nombre de kilomètres accomplis et si comme on le dit, le
chemin et le but sont une même chose, toute cette aventure n'a pas été inutile.
Alors marcher ainsi, c'est marcher vers son coeur, marcher vers le divin. Il
n'y a d'autres conquêtes ici que celle de l'amour, y compris pour ce pauvre soi
si faible et désarmé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire