photo fabian da costa
Trier des papiers...voyage dans les souvenirs...ici une lettre envoyée à nos enfants, pré-adolescents. Oubliée, relue et à peine retouchée. Celle que je peux toujours envoyer à ceux qui sont maintenant de jeunes adultes.
A mes
enfants
Je vous écris d’hier, d’un temps d’avant le temps de maintenant – celui où on n’a plus le temps.
Je vous
écris de ce lieu oublié, massacré, piétiné. D’un drôle d’endroit, en haut à
gauche de votre poitrine. Du lieu du coeur.
Révoltez-vous
mes enfants, révoltez-vous. Oui, c’est moi votre mère, qui vous le demande.
Révoltez-vous contre les pilleurs de bonheur, contre les pollueurs de beauté.
Fuyez les assassins de votre innocence, les voleurs de rêves.
Ne les
croyez pas ceux-là, qui goutte à goutte, emprisonnent votre âme et vous
désespèrent avant même l’espoir.
Ils vous
diront que le comble du bonheur c’est de pousser un caddie chargé de sodas et
de sucreries dans un supermarché dégoulinant de lumières et de musique inepte.
Ils vous
feront croire que vous n’existez pas si vous n’avez pas, aux pieds, sur la tête
et sur le dos, petits singes sandwichs, leurs pompes et leurs fringues.
Ils vous
répèteront que le travail est un esclavage féroce qui vous broiera, et que de
toutes façons il n’est pas utile de faire des efforts, puisque ce travail ne
sera pas pour vous.
Ils vous
apprendront que l’amour est un jeu dangereux dont il faut se protéger par un
peu de caoutchouc – et qu’avec ce petit accessoire-là, liberté et bonheur sont
à vous.
Ils vous
affirmeront que l’habitude tue l’amour et que seuls peuvent émouvoir, les
multiples éblouissements, les fulgurantes passions.
Ce n’est
pas vrai, on peut aimer comme au premier jour. Aimez de tout votre cœur, de
tout votre corps, l’être qui sera votre tout, votre unique. Que votre âme
s ‘élance vers lui, vibrante comme au matin de l’amour.
Que
ferais-je pour vous qui êtes mes plus chers ? A quoi sert-il que je sois,
en vous regardant, envahie d’une colère amère. Nous vous donnons un monde
dévasté, ravagé, et vous savez déjà que rien ne vous protègera de la folie des
hommes.
Il y avait
tout à l’heure, de grands bleuets pâles, en lisière du champ de seigle. Le
soleil se renversait doucement sur le coteau violet. Venez vous asseoir,
seulement vous asseoir auprès de ces innocentes fleurs, pour que votre cœur
enfin, se repose tranquille.
Il faut
oser se pencher sur leur bleu éphémère, et boire comme une source fraîche et
très ancienne, leur simplicité. Alors peut-être pourrez-vous commencer à dire
non à ce qui tue pour accueillir le courage de la vie.
C’est une
chose bien dérisoire n’est-ce pas, que de se reposer au milieu des fleurs pour
changer le monde. Mais s’agit-il de changer le monde ? Il ne vous sera pas
forcément donné le pouvoir ou la parole nécessaires aux grandes actions. Mais
vous aurez toujours un cœur à purifier, pour que limpide, il reflète sur vous
et sur les autres, le bleu d’un soir
d’été au soleil couchant.
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